Le Voyageur au fil du temps
   

Pigeons de la guerre de 1870

Durant la guerre de 1870, des pigeons voyageurs ont été utilisés par les Français pour communiquer à l'insu de l'occupant allemand.

Pendant la guerre franco-allemande de 1870, alors que les Français sont en déroute devant les Allemands et que Paris est assiégé, le 4 septembre 1870, les Parisiens envahissent le Palais Bourbon, permettant aux députés républicains (Gambetta, Jules Favre, Jules Ferry...) de proclamer la République et la fin du second Empire. Ces derniers créent un gouvernement de défense nationale, un ministère dit « du 4 septembre » et évacuent (en ballon monté) vers Tours.

Deux jours plus tard, le 6 septembre, le préfet français du département du Nord, sur conseil de M. Hassebroucq, président du tribunal de commerce de Roubaix, décide d’envoyer à Paris, avant que les lignes de chemin de fer ne soit coupées, des pigeons qui pourront rapporter des nouvelles de la capitale. Mille cinq-cent pigeons sont réunis à Roubaix et Tourcoing, accompagnés de deux colombophiles (J. François de Tourcoing, H. Leman de Roubaix).

Trois jours plus tard, les pigeons sont à Paris où ils seront nourris et soignés au Bois de Boulogne pour une partie et sous les charpentes du Jardin d'acclimatation pour les autres. Roubaix et Tourcoing pourront ainsi recevoir des nouvelles de Paris. Inversement, durant le siège de Paris, ce seront 64 ballons qui exporteront des pigeons parisiens, afin qu’ils y rapportent ensuite des nouvelles du gouvernement, puis à partir du 4 novembre des correspondances privées à destination des assiégés.

Du fait qu'un important chargement de pigeons n'a pu quitter Paris par le dernier train, il a fallu expédier les pigeons vers la province par ballons, accompagnant les voyageurs et le courrier. On estime à 381 le nombre de pigeons ainsi transportés par ballon. Certains seront capturés par l'occupant, d'autres reviendront sans message, beaucoup se perdront (les pigeons sont désorientés par le neige et le brouillard). Seuls une cinquantaine parvinrent à rapporter du courrier. Ce sera la seule voie efficace de transport d'informations de la province vers Paris durant le siège.

C’est à cette époque que le photographe René Dagron a inventé l’ancêtre du microfilm, avec un procédé de miniaturisation de texte, plans ou photos sur une pellicule de quelques mm², permettant à un seul pigeon de facilement transporter 2 000 à 3 000 messages. 115 000 dépêches officielles et plus de 1 000 000 messages privés auraient ainsi été aéropostées à Paris ou à partir de Paris.

Comme ce sera le cas durant la guerre de 1914-1918, la détention de pigeon est interdite par l'occupant, sous peine de mort. Les lanciers uhlans traquent et chassent les pigeons, ainsi que nombre de paysans et d’urbains qui ne veulent pas être confondus avec des espions ou « résistants », d’autant plus que le pigeon est un grand consommateur des pois et de grains qui ont rapidement manqué, tant pour les hommes que pour les chevaux. Côté français, Léon Gambetta décide d'appliquer la peine de mort à toute personne prise en flagrant délit de chasse au pigeon afin de protéger les oiseaux porteurs de messages.


1914-1918

Durant la guerre de 1914-1918, des pigeons voyageurs ont été utilisés par les Français pour communiquer sur le front.

Suite à l'expérience de 1870, l'armée française, à Coëtquidan et Montoire a crée de nouveaux centres d'instruction colombophile militaire. Ceux-ci seront utiles et utilisés de 1914 à 1919.


Dix ans avant leur utilisation sur le champ de bataille, l'hebdomadaire Les nouvelles illustrées dans son n°38 du jeudi 12 février 1903, consacrait ainsi un article aux pigeons de guerre dans l'armée allemande, illustré de deux photographies.

La Première Guerre mondiale a d'abord été caractérisée par la mobilité des troupes, qui se sont enlisées dès 1915 et pour 3 ans dans une guerre de position et de tranchées. L'information et la désinformation sont alors devenues vitales et stratégiques, ainsi donc que les moyens de communication.

Bien que ce soit l'époque du développement de la téléphonie, il était fréquent que des unités soient isolées ou que des messages doivent être envoyés rapidement sur de grandes distances. Pour cela, les deux camps utilisèrent largement les pigeons voyageurs qu'ils élèveront et transporteront dans des unités mobiles de campagne, camions spéciaux se déplaçant au gré des besoins sur différents fronts..

L'occupant allemand veille à interdire aux civils des zones occupées le lâcher de pigeons. Ainsi, dès décembre 1915, dans le nord de la France, pays des coulonneux et occupé, le Bulletin de Lille de la semaine suivante rappelle aux Lillois qu'il est interdit, sous peine de mort, de lâcher des pigeons voyageurs, et précise que les personnes « qui trouveraient des pigeons voyageurs (...) sont tenues de les remettre à l'autorité militaire la plus proche, faute de quoi elles seront suspectées d'espionnage et s'exposeront à des poursuites ; les infractions commises par négligence seront punies d'un emprisonnement pouvant atteindre 3 ans ou d'une amende pouvant s'élever jusqu'à 10 000 marks »

Un bus à impériale de Berliet (dit Araba) fut transformé en pigeonnier roulant. Le bas de caisse contenait une réserve de grain et d'eau, ainsi qu'un logement pour le soigneur, et le haut du véhicule constituait le pigeonnier. En 1916, les alliés fabriquent aussi en France seize pigeonniers sur remorque.

Les pigeons ont principalement été utilisés par les unités au sol, mais parfois aussi lancés à partir d'avions ou de navires.

Reconnaissance de la France

Ces pigeons-soldats faisaient l'objet d'une attention toute particulière.

Ainsi, ces pigeons-héros ont aussi leur monument, érigé près de l’entrée de la citadelle fortifiée de Lille, dans une région éminemment colombophile, à l’entrée du Champ de Mars. Certains monuments aux morts évoquent aussi le pigeon messager.

Exposés aux mêmes dangers et risques que les hommes, certains ont été décorés comme des soldats. Ce fut le cas du célèbre Vaillant (matricule 787.15), dernier pigeon du fort de Vaux, lâché le 4 juin 1916 à 11h30 pour apporter à Verdun un ultime message du Commandant Raynal. Il a eu le privilège d'être cité à l'ordre de la Nation (un fac-similé de cette distinction est conservé au colombier militaire du Mont-Valérien) pour avoir transporté au travers des fumées toxiques et des tirs ennemis le message suivant :

« Nous tenons toujours, mais nous subissons une attaque par les gaz et les fumées très dangereuses. Il y a urgence à nous dégager. Faites-nous donner de suite toute communication optique par Souville, qui ne répond pas à nos appels. C'est mon dernier pigeon. Signé : Raynal.»

Gravement intoxiqué par les gaz de combat, le pigeon est arrivé mourant au colombier mais vivra encore quelques années.

Dans son livre 'Lorette, une bataille de 12 mois, octobre 1914 - septembre 1915', le capitaine René écrit :

« Une unité de chasseurs à pied, engagée à fond, s'est trouvée en pointe et coupée des autres unités. Tous les moyens pour aviser le commandement de cette situation étaient fauchés par les bombardements ou le tir des mitrailleuses. Le téléphone était coupé et la liaison optique impossible en raison de la fumée des éclatements. C'est alors que les chasseurs qui avaient emportés quelques pigeons voyageurs obtinrent de les lâcher avec le message suivant : "Sommes sous le Souchez. Subissons lourdes pertes, mais le moral est très élevé. Vive la France !" Du colombier, le message fut transmis à l'artillerie qui allongea le tir, protégeant ainsi nos chasseurs d'une contre-attaque allemande. Ainsi Souchez fut libéré. »

 



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